•  

     

    Âme, te souvient-il ? au fond du paradis,

    De la gare d’Auteuil et des trains de jadis

    T’amenant chaque jour, venus de la Chapelle 

    Jadis déjà ! Combien pourtant je me rappelle

     

    Après les premiers mots de bonjour et d’accueil,

    Mon vieux bras dans le tien, nous quittions cet Auteuil

    Et, sous les arbres pleins d’une gente musique,

    Notre entretien était souvent métaphysique.

     

    Ô tes forts arguments, ta foi du charbonnier !

    Non sans quelque tendance, ô si franche ! à nier,

    Mais si vite quittée au premier pas du doute !

    Et puis nous rentrions, plus que lents, par la route

     

    Un peu des écoliers, chez moi, chez nous plutôt,

    Y déjeuner de rien, fumailler vite et tôt,

    Et dépêcher longtemps une vague besogne.

    Mon pauvre enfant, ta voix dans le bois de Boulogne !

     

    Poème de Paul Verlaine

    (mis en musique et chanté par Léo Ferré)

     


  •  

    Belle qui tiens ma vie
    Captive dans tes yeux
    Qui m’as l’âme ravie
    D’un sourire gracieux
    Viens t'en me secourir
    Ou me faudra mourir.

    Pourquoi fuis-tu mignarde
    Si je suis près de toi
    Quand tes yeux je regarde
    Je me perds dedans moi
    Car tes perfections
    Changent mes actions.

    Tes beautés et ta grâce
    Et tes divins propos
    Ont échauffé la glace
    Qui me gelait les os
    Et ont rempli mon cœur
    D’une amoureuse ardeur.

    Mon âme voulait être
    Libre de passions
    Mais amour s’est fait maître
    De mes affections
    Et a mis sous sa loi
    Et mon cœur et ma foi.

    Approche donc ma belle
    Approche-toi mon bien
    Ne me sois plus rebelle
    Puisque mon cœur est tien
    Pour mon mal apaiser
    Donne-moi un baiser.

    Je meurs mon angelette
    Je meurs en te baisant
    Ta bouche tant doucette
    Va mon bien ravissant
    À ce coup mes esprits
    Sont tous d’amour épris.


    Plutôt on verra l’onde
    Contre mont reculer
    Et plutôt l’œil du monde
    Cessera de brûler
    Que l’amour qui m’époint
    Décroisse d’un seul point

     Jehan Tabourot (1520-1595), dit Thoinot Arbeau. 


     

     


     


    2 commentaires
  •  

    - Qu'est-ce que tu lis en ce moment, Carlus ?

    - Verlaine !

    - Ah, Verlaine... Tu es un indécrottable romantique, Carlus
    Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
    D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
    Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
    Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

    - Oui, pour moi, la poésie romantique, il n'y a que ça de vrai !


     Extraits de Hombres (hommes) de Paul Verlaine

     Lectures de vacances grivoises : Verlaine

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Un peu de merde et de fromage
    Ne sont pas pour effaroucher
    Mon nez, ma bouche et mon courage
    Dans l’amour de gamahucher.


    L’odeur m’est assez gaie en somme,
    Du trou du cul de mes amants,
    Aigre et fraîche comme la pomme
    Dans la moiteur de saints ferments.


    Et ma langue que rien ne dompte,
    Par la douceur des longs poils roux
    Raide et folle de bonne honte
    Assouvit là ses plus forts goûts,

     

    Puis pourléchant le périnée
    Et les couilles d’un mode lent,
    Au long du chibre contournée
    S’arrête à la base du gland.


    Elle y puise âprement en quête
    Du nanan qu’elle mourrait pour,
    Sive, la crème de quéquette
    Caillée aux éclisses d’amour


    Ensuite, après la politesse
    Traditionnelle au méat
    Rentre dans la bouche où s’empresse
    De la suivre le vit béat,


    Débordant de foutre qu’avale
    Ce moi confit en onction
    Parmi l’extase sans rivale
    De cette bénédiction !

    Extraits de Hombres (hommes) de Paul Verlaine

     

     


  •  

    Je suis urbain.
    J'aime bien la foule des fins de journées,
    Les cinémas jusqu'à minuit
    Et les taxis au coin des rues.
    J'aime bien aussi les petits bistrots,
    Les grands boulevards, les petites rues.

    Je suis urbain,
    j'aime bien toutes les cuisines du monde,
    L'arrabiata et la pizza,
    Le taboulé, la crèpe au sucre,
    Et les sushis, et les accras
    Tout cela à portée de main.

    Je suis urbain.
    J'aime bien avoir tout près de moi
    un kiosque avec plein de journaux,
    des librairies remplies de livres
    où je trouverai celui que je cherche
    mais surtout ceux que je ne cherche pas.

    Je suis urbain.
    J'aime bien la ville l'après-midi,
    les bancs publics des amoureux,
    la promenade des petits vieux
    les discussions de jeunes mamans,
    les tobogans de leurs enfants.

    Je suis urbain.
    J'aime les théâtres inconfortables
    J'aime bien aussi les p'tits musées,
    En compagnie d'une érudite,
    Ou bien avec mes petits-enfants
    Pour voir leurs grands yeux étonnés

    Je suis urbain.
    J'aime bien les crépuscules blafards
    J'aime bien les néons dans la nuit,
    J'aime bien les rues après la pluie,
    Et les rues vides au petit matin.


  • Comment ? On me dit que Beaumarchais aurait dénoncé la rumeur calomnieuse (celle qu'on appelle rumeur complotiste, en Français moderne) ???

    Il nierait donc, s'il était encore là, que les médecins du monde se sont ligués pour injecter un poison létal à des milliards de gens ? Il contesterait que des pédophiles sataniques nous gouvernent et que la première dame de France n'en serait pas une ?

    Où a-t-il dit cela, dites-moi, je vous prie ? Dans Le barbier de Séville Acte II scène 8 ?  Je vais de ce pas, vérifier !


     Basile :

    La calomnie, Monsieur !
    J'ai vu les plus honnêtes gens près d'en être accablés.
    Croyez qu'il n'y a pas de méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde, qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville en s'y prenant bien ;  Et nous avons ici des gens d'une adresse !

    D'abord un bruit léger, rasant le sol comme l'hirondelle avant l'orage pianissimo, murmure et file, et sème, en courant, le trait empoisonné.
    Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l'oreille adroitement.
    Le mal est fait ; il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable !

    Puis, tout à coup, je ne sais comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d'œil. Elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription.
    Qui diable y résisterait ?

    Le barbier de Séville ou la Précaution inutile

    Acte II scène 8

     

     


     

     


  • Deux poètes antillais,
    l'un est "blanc créole"
    et se veut Parnassien,
    l'autre qui se revendique "Nègre"
    est proche des Surréalistes.
    Ils parlent tous deux de leur île
    C'est la même île et le même siècle
    Mais ils ne voient pas la même chose.
    Forcément. C'est une question de point de vue !

    -------------------------------------------------

    Je suis né dans une île amoureuse du vent
    Où l’air a des senteurs de sucre et de vanille
    Et que berce au soleil du tropique mouvant
    Le flot tiède et bleu de la mer des Antilles.
    ...
    Cent fois je suis monté sur ses mornes en feu
    Pour voir à l’infini la mer splendide et nue
    Ainsi qu’un grand désert mouvant de sable bleu
    Border la perspective immense de la vue.

    Daniel Thaly


     


    Au bout du petit matin
    bourgeonnant d’anses frêles,
    les Antilles qui ont faim,
    les Antilles grêlées de petite vérole,
    les Antilles dynamitées d’alcool,
    échouées dans la boue de cette baie,
    dans la poussière de cette ville
    sinistrement échouées.
    ...
    Au bout du petit matin,
    une vieille vie menteusement souriante ,
    ses lèvres ouvertes d’angoisses désaffectées ;
    une vieille misère pourrissant sous le soleil, silencieusement ;
    un vieux silence crevant de pustules tièdes
    l’affreuse inanité de notre raison d’être.

    Aimé Césaire


     


  • Et voici que Jean de la Fontaine s'y met, lui aussi ! A sa façon, avec une morale à la fin ! 

    Pour les gens pressés, précisons que FOUTRE à son époque est un mot très vulgaire, l'équivalent aujourd'hui de baiser ou NIQUER. Et que Vit veut dire Bite et Con veut dire Chatte (mais ça tout le monde le sait). 

    NB : les mots sont crus mais la morale est  bien-pensante  : le sexe sans amour n'est rien !


     

    Éloge de la Volupté
    par Jean de La Fontaine

    Aimons, foutons, ce sont plaisirs
    Qu'il ne faut pas que l'on sépare ;
    La jouissance et les désirs
    Sont ce que l’âme a de plus rare.
    D'un Vit, d'un Con, et de deux cœurs,
    Naît un accord plein de douceurs,
    Que les dévots blâment sans cause.
    Amarillis, pensez y bien :
    Aimer sans foutre est peu de chose,
    Foutre sans aimer ce n'est rien.

    Jean de La Fontaine


  • Quand Voltaire disait  "Il faut cultiver notre jardin", il pensait peut-être déjà  au "petit bois touffu",  au "joli bocage" et à l'aimable "gazon" d'une jolie Aminthe pour qui il a écrit ce petit dialogue poétique qu'il a lui-même qualifié de polisson. 

    Résumé pour les gens pressés qui n'aiment pas les messages cachés : 
    1- Ma chérie, j'aimerais tant faire l'amour avec toi
    2- Ah oui ? et si je tombe enceinte, je fais quoi ?
    3- Mais non, chérie,  je vais me retirer à temps !
    4- C'est ça, ouais, je vais te croire !


     Polissonnerie

    Voltaire

    – Je cherche un petit bois touffu,
    Que vous portez, Aminthe,
    Qui couvre, s’il n’est pas tondu,
    Un gentil labyrinthe.
    Tous les mois, on voit quelques fleurs
    Colorer le rivage ;
    Laissez-moi verser quelques pleurs
    Dans ce joli bocage.

    – Allez, monsieur, porter vos pleurs
    Sur un autre rivage ;
    Vous pourriez bien gâter les fleurs
    De mon joli bocage ;
    Car, si vous pleuriez tout de bon,
    Des pleurs comme les vôtres
    Pourraient, dans une autre saison,
    M’en faire verser d’autres.

    – Quoi ! vous craignez l’évènement
    De l’amoureux mystère ?
    Vous ne savez donc pas comment
    On agit à Cythère ?
    L’amant, modérant sa raison,
    Dans cette aimable guerre,
    Sait bien arroser le gazon
    Sans imbiber la terre.

    – Je voudrais bien, mon cher amant,
    Hasarder pour vous plaire ;
    Mais dans ce fortuné moment
    On ne se connait guère.
    L’amour maîtrisant vos désirs,
    Vous ne seriez plus maître
    De retrancher de nos plaisirs
    Ce qui vous donna l’être.

    Voltaire


  • J'aime bien Nougaro, sa poésie amateur, son jazz franco-français, sa gueule de gentil voyou, sa tendresse, sa musique...

    j'aime particulièrement cette chanson : La pluie fait des claquettes. 

    Et je sais pourquoi, c'est parce que j'ai obtenu du ciel la même réponse que lui ! Accessoirement parce que c'est jazzy et que ca donne envie de claquer des doigts et de danser sous la pluie... à la française !

    Ce nuit-là, je rentrais chez moi, à pied, après la fin d'une relation amoureuse toxique et  je me sentais bien. Comme après chaque rupture, je rêvais à  la future histoire d'amour forcément  sublime que j'allais vivre, quand la pluie se mit à tomber.  Je me suis souvenu de cette chanson de Nougaro et j'ai tourné le regard vers les nuages et demandé  au ciel : 

    - Salut, pourquoi tu pleures, toi ?

    La réponse du ciel en larmes fut :

    - Parce que je t'aime, salaud !

    Bon, vous n'êtes pas obligé de me croire, non plus !  De toute façon, rien de plus changeant que l'estime de soi et  du ciel !

     

     

    La pluie fait des claquettes
    Sur le trottoir à minuit
    Parfois, je m'y arrête,
    Je l'admire, j'applaudis
    Je suis son chapeau claque,
    Son queue-de-pie vertical,
    Son sourire de nacre
    Sa pointure de cristal

    Aussi douce que Marlène,
    Aussi vache que Dietrich,
    Elle troue mon bas de laine
    Que je sois riche ou pas riche
    Mais quand j'en ai ma claque
    Elle essuie mes revers
    Et m'embrasse dans la flaque
    D'un soleil à l'envers

    Avec elle je m'embarque
    En rivière de diamants
    J'la suis dans les cloaques
    Ou elle claque son argent
    Je la suis sur la vitre
    D'un poète endormi,
    La tempe sur le titre
    Du poème ennemi

    À force de rasades,
    De tournées des grands-ducs,
    Je flotte en nos gambades,
    La pluie perd tout son suc
    Quittons-nous dis-je, c'est l'heure
    Et voici mon îlot
    Salut pourquoi tu pleures?
    - Parce que je t'aime salaud.

    Claude Nougaro / Maurice Vander


  • Un petit poème peu connu de Baudelaire que j'aime beaucoup. 

    L'angoisse, les remords, la maladie, les rides... Ce ne serait par hasard de la vieillesse qu'il parle, là, le poète maudit ?


     

     Réversibilité

    Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,

    La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,

    Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits

    Qui compriment le coeur comme un papier qu'on froisse?

    Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse ?

     

    Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,

    Les poings crispés dans l'ombre et les larmes de fiel,

    Quand la Vengeance bat son infernal rappel,

    Et de nos facultés se fait le capitaine?

    Ange plein de bonté connaissez-vous la haine ?

     

    Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,

    Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,

    Comme des exilés, s'en vont d'un pied traînard,

    Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres?

    Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres ?

     

    Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,

    Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment

    De lire la secrète horreur du dévouement

    Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avides!

    Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides?

     

    Charles Baudelaire





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